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numéro 5

L'érythropoïétine et la fonction hémopoiëtique du rein

Par Jean-Pierre Naets

10 rue du Magistrat

1050 Bruxelles, Belgique

 

Docteur en médecine en 1945 (Université Libre Bruxelles). Le Pr Naets passa successivement de la médecine interne-néphrologie (Hôpital St Pierre) à l'hématologie (Hôpital Brugmann), occupant la Chaire jusqu'à sa retraite en 1987. Ses travaux ont montré le rôle joué par la carence en érythropoïétine dans l'anémie de l'insuffisance rénale.

Le recours à l'érythropoïétine pure recombinante, tournant dans le traitement de l'insuffisance rénale chronique, est l'aboutissement d'une recherche longue et ingrate poursuivie pendant 35 ans avant de bénéficier de l'essor de la biologie moléculaire et du génie génétique.

 

Du mal des montagnes à la polyglobulie

Le mal des montagnes intrigue depuis longtemps. Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle des esprits scientifiques s'y attachent. Les théories les plus fantaisistes s'efforcent d'y répondre. Pour Haller (1761), l'air raréfié diminuant le poids qui pèse sur le corps entraîne une dilatation des vaisseaux sanguins superficiels et des troubles circulatoires; de Saussure partage cette opinion (1796). En Inde, Fraser (1820) relate que les indigènes attribuent ces symptômes aux émanations toxiques de certaines plantes. D'autres font intervenir la dilatation des gaz intestinaux qui, soulevant le diaphragme, entraveraient la respiration, ou invoquent des conditions électriques, la fatigue, le froid, l'humidité, l'insolation accrue.

 

Dans la première moitié du XIXe siècle, les physiologistes considèrent que la respiration ne consiste qu'en un simple échange gazeux entre le CO2 et l'oxygène de l'air. Au milieu du siècle, le physicien Fernet montre que l'oxygène est en grande partie maintenu dans le sang par une "affinité chimique" mais il conclut que le volume ainsi fixé est indépendant de la pression partielle d'oxygène. En 1867, Hoppe-Seyler découvre la propriété de l'hémoglobine de capter et de céder l'oxygène. En 1868, E. Neumann de Königsberg révèle que les globules rouges sont produits par la moelle osseuse à partir d'éléments incolores. Au même moment sont introduits les laborieuses numérations globulaires et le dosage colorimétrique de l'hémoglobine par Preyer.

 

C'est dans ce contexte assez confus que Denis Jourdanet (1815- ?) et Paul Bert (1833-1886) découvrent la polyglobulie d'altitude et sa cause. Le premier, médecin sur les hauts plateaux au Mexique, publie en 1863 "De l'Anémie des Altitudes et de l'Anémie en général dans ses rapports avec la pression atmosphérique" (1). Il a été frappé par la proportion élevée de globules rouges dans le sang d'un patient accidenté alors que chez 4 jeunes femmes dont il écrit "leur pâleur, leur abattement général, leur état nerveux, les présentaient comme des personnes atteintes de chloro-anémie, leur sang fournit les proportions normales de globules". Et il résume ses constatations et les enseignements qu'il en a tirés :

Un peu plus loin "Une ascension au-delà de 3 000 m équivaut à une désoxygénation barométrique du sang comme une saignée est une désoxygénation globulaire".

 

En 1878, P. Bert rend hommage à D. Jourdanet dans "La Pression Baromé­trique" (2) : "...personne n'avait rapproché l'une de l'autre les deux causes qui peuvent produire la pauvreté du sang en oxygène, mesuré leur importance, montré leur généralité...", et s'attache à éprouver expérimentalement le bien-fondé de son raisonnement, qu'il partage. Chez des animaux soumis à l'hypoxie dans des caissons, il démontre que le mal des montagnes est dû exclusivement au défaut d'oxygène dûment mesuré dans le sang.

 

En 1882, sur des échantillons de sang de divers animaux vivant dans les Andes à 3 700 m, il montre que leur capacité de fixer l'oxygène est nettement élevée par rapport aux animaux vivant dans la plaine. Si la polyglobulie des habitants des hauts plateaux lui paraît évidente, il la considère comme héréditaire et se perd en conjectures au sujet de l'acclimatation à l'altitude des nouveaux arrivants : "...mais il est bien certain que pareil changement s'il a lieu, ne peut s'opérer qu'à la longue; vraisemblablement même, il ne peut être le fait que de dispositions transmises héréditairement et ne doit arriver à son complet développement qu'au bout de générations successives, en telle sorte qu'il expliquerait non l'acclimatation de l'individu, mais celui de la race." (*Singulier parcours que celui de Paul Bert qui succédant à Claude Bernard comme professeur de physiologie générale à la Sorbonne délaisse progressivement la recherche pour la politique, devient ministre de l'Instruction publique dans le cabinet Gambetta (1881-1882), promoteur et apôtre de la laïcité de l'enseignement, finissant ses jours à Hanoï comme gouverneur du Tonkin et de l'Annam (1886).)

 

En 1890, l'histologiste F. Viault note l'élévation de ses propres globules rouges après un séjour à 4 400 m au Pérou et publie "Sur l'augmentation considérable du nombre des globules rouges dans le sang chez les habitants de l'Amérique du Sud". A la fin du siècle de nombreuses observations confirment la polyglobulie d'altitude et soulèvent le problème de son mécanisme. Dans les années 20, C. Monge décrit au Pérou chez les Andins acclimatés à l'altitude une polyglobulie marquée associée à de la dyspnée, de la confusion et divers signes généraux, provoquée probablement par des troubles ventilatoires surajoutés et guérissant au niveau de la mer. Il l'appelle "mal chronique des montagnes" ; la postérité lui a donné son nom.

 

Le contrôle humoral

En 1893, Miescher suggère que la moelle érythropoïétique répond directement à l'hypoxie par une prolifération accrue des globules rouges. Cette hypothèse qui n'a jamais eu de support expérimental a prévalu pendant une cinquantaine d'années.

 

A cette époque Paul Carnot (1869­1957) Fig. 1 (**Qu'il nous soit permis d'évoquer en quelques mots quelle prestigieuse famille que celle des Carnot : mathématiciens, ingénieurs et physiciens dont certains remplirent les plus hautes fonctions de l'Etat. Son arrière-grand-père, Lazare Carnot (1753-1823), ingénieur militaire, illustre conventionnel, membre du Comité du Salut Public, spécialiste des questions militaires réorganise l'Armée (1793-94), surnommé l'Organisateur de la Victoire, élu au Directoire en 1795, rallié à Napoléon pendant les Cent jours et contraint à l'exil au retour des Bourbons. Son grand-père, Hippolyte Carnot (1801-1888) participe aux journées révolutionnaires de 1848, Ministre de l'Instruction publique, créateur de l'Enseignement primaire obligatoire. Son grand-oncle, Sadi Carnot (1796-1832), physicien de génie, fondateur de la thermodynamique. "Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette puissance" (1824). Son oncle, Sadi Carnot (1837-1894), polytechnicien, 4e Président de la IIIe République, assassiné à Lyon en 1894. Quant à Paul Carnot, il fut à la tête de la Clinique de l'Hôtel Dieu de Paris), encore jeune médecin, étudiait "les réparations et les régénérations d'organes".

 

Le projet de départ porta sur la régénération des conduits muqueux et de leur revêtement épithélial. S'intéressant ensuite aux différents tissus, foie, pancréas, rein, il montra qu'au cours de leur régénération des substances stimulantes de la réparation tissulaire apparaissent dans les organes et dans le sang. Conduit ainsi à étudier le mécanisme de la régénération du sang après saignées, il publie en 1906 avec Mlle CI. Deflandre un travail qui a fait date : "Sur l'activité hémopoïétique du sérum au cours de la régénération du sang" (3).

 

Avec une remarquable intuition, ils soulèvent le concept du contrôle humoral de l'érythropoïèse par un facteur qu'ils appellent hémopoïétine : "Au cours de recherches sur le mécanisme des régénérations d'organes, nous avons été amenés à étudier les causes de la rénovation du sang après saignées et à démontrer la présence dans le sérum des animaux saignés d'une substance capable d'activer l'hémopoiëse" et plus loin "il est vraisemblable qu'elle existe à un faible degré à l'état normal et que d'autres actions (influence de hautes altitudes, etc.) pourront la mettre également en évidence" et "probablement aussi, les hémopoïétines ne sont qu'une variété spéciale des cytopoïétines que nous cherchons actuellement à mettre en évidence…". Une seule injection de 9 ml de sérum de lapins anémiés par saignées à des lapins normaux, provoque un jour plus tard une nette élévation des globules rouges.

 

Ils ouvrent ainsi un nouveau champ d'investigation qui va de l'étude de l'érythropoïèse à la différenciation de cellules souches pour aboutir finalement à des applications thérapeutiques majeures. Cependant, de nombreux résultats contradictoires virent le jour dans la suite, qui laissèrent dans l'ombre cette théorie.

         

La confirmation de la théorie de la régulation humorale

Ce n'est qu'en 1948 qu'est mise en doute l'hypothèse de Miescher de la sensibilité de la moelle osseuse à l'hypoxie et de la réponse érythropoïétique qui en résulte. Cette même année, la dénomination d'érythropoïétine est proposée pour le facteur humoral tant controversé, vu son rôle spécifique sur l'érythropoïèse. Il faut attendre 1950 pour avoir la confirmation sans équivoque de l'hypothèse de Carnot et Deflandre.

 

Utilisant des rats parabiotiques dont l'un des partenaires seulement était soumis à l'hypoxie, Kurt Reissmann observe (4) que l'érythropoïèse est stimulée chez les deux animaux alors que seul le rat soumis à l'hypoxie présente une désaturation du sang en oxygène. La réponse érythroblastique de la moelle du rat normalement oxygéné ne pouvait s'expliquer que par un facteur humoral provenant du partenaire hypoxique.

 

Enfin la preuve directe de la présence d'un facteur stimulant l'érythropoïèse fut apportée par Toha, Hodgson et coll. au Chili en 1952 (5) et peu après par E. Erslev aux Etats-Unis (1953) (6) qui reprenant les expériences de Carnot et Deflandre montrent que l'injection de grandes quantités de plasma (50 ml/jour) de lapins anémiés, pendant 15 jours, provoque une stimulation érythropoïétique.

   

Un dosage biologique laborieux et paralysant

Comme l'érythropoïétine purifiée n'apparaît qu'en 1977 les dosages immunologiques étaient inaccessibles et pendant près de 30 ans tout progrès a été freiné par l'emploi de mesures biologiques imprécises, laborieuses et fort coûteuses rendant illusoires les tentatives de purification.

 

On injectait le produit à tester à de petits animaux, rats et souris en suivant l'élévation de l'hématocrite et de l'hémoglobine. Mais rapidement on s'est adressé à des mesures isotopiques (Fer 59) en s'efforçant d'utiliser des animaux dont l'érythropoïèse était mise au repos afin d'accroître la sensibilité de la méthode. Comme le jeûne prolongé abaisse l'érythropoïèse en réduisant les besoins en oxygène, on utilisa le rat à jeun (1957). Un grand pas fut franchi lorsqu'on fit appel à la souris transfusée dont l'érythropoïèse est pratiquement supprimée. Coûteux et compliqué, ce procédé est encore considéré aujourd'hui comme le dosage de référence. S'il est nettement plus sensible que les procédés décrits plus haut, il ne permet cependant pas de déceler le taux normal d'érythropoïétine dans le plasma. La mesure biologique in vitro a été proposée, faisant appel à des cultures de cellules de moelle osseuse, de rate, de foie foetal, de souris ou de rats. Ces dosages économiques et rapides ne sont hélas pas satisfaisants.

 

Le dosage radioimmunologique

La mise au point du dosage radioimmunologique allait permettre d'échapper à cette contrainte paralysante. Dès 1962 Garcia et Schooley à Berkeley avaient obtenu un immunsérum de lapin capable de neutraliser efficacement l'érythropoïétine. Mais il fallut attendre la purification de l'hormone en 1977 avant de toucher au but. C'est en 1979 que Garcia et coll. (7) publient leurs premiers résultats et que l'on connaîtra enfin le taux normal de l'érythropoïétine chez l'homme, qui se situe entre 6 et 35 milliunités/ml. La voie est ouverte aux études physiopathologiques et au prodigieux développement de la recherche dans ce domaine.

 

Le rôle du rein

Depuis la première description de la maladie rénale par Richard Bright en 1827, on a reconnu l'importance de l'anémie qui l'accompagne en général. La cause restée longtemps obscure a fait l'objet de nombreuses hypothèses. On a suggéré que la perte protéique liée à l'albuminurie, la dilution du plasma, les hématuries microscopiques ou encore le régime pauvre en protéines auquel sont soumis les patients urémiques, pouvaient affecter la production des globules rouges.

 

L'étude de la moelle osseuse a donné lieu à des publications contradictoires mais on s'accordait cependant à reconnaître que pour des taux d'urée supérieurs à 250 mg % on relève le plus souvent un certain degré d'érythroblastopénie et Richet et coll. soulignent en 1954 la disparition des érythroblastes médullaires dans l'insuffisance rénale aiguë, leur taux tombant 5 à 10 jours après le début de l'anurie en dessous de 5% (8) pour revenir à la normale lors de la guérison. Enfin en 1949 la déficience de l'érythropoïèse dans l'insuffisance rénale chronique est confirmée par l'étude de la ferrokinèse à l'aide du radiofer.

 

La présence de dépôts d'hémosidérine dans le foie et la rate au cours de l'insuffisance rénale chronique conduisit Volhard (1926) à incriminer un facteur hémolytique. Dans les années 50, cette hypothèse a été confirmée par la mesure de la durée de vie des globules rouges. Mais l'hémolyse est modeste et serait aisément compensée si la moelle disposait de ses potentialités réactionnelles normales.

 

A cette époque, on est donc arrivé à la conclusion que le mécanisme de l'anémie rénale est double : qu'elle résulte d'une hémolyse excessive associée à une réduction de l'érythropoïèse. Les facteurs qui provoquent l'hémolyse dans l'urémie sont mal connus et nous n'étions jusque là guère mieux renseignés sur l'origine du défaut de l'érythropoïèse. La rétention de produits toxiques propres à l'insuffisance rénale était en général avancée sans démonstration convaincante. On faisait valoir en sa faveur le parallélisme entre le taux d'urée sanguine et l'importance de l'anémie. En fait, on peut tout aussi bien considérer que l'anémie évolue parallèlement à l'altération du parenchyme rénal dont l'azotémie n'est qu'un témoin. Cette dernière hypothèse suggère que le rein pourrait être le site de production d'un facteur érythropoïétique.

 

D'autre part, l'observation clinique de cas de polyglobulie associée à diverses affections rénales, kystes, hydronéphroses, tumeurs malignes attire l'attention sur le rôle du rein. Cette hypothèse fut confirmée en 1957 par Jacoboson et coll. qui après avoir procédé à l'ablation de divers organes chez le rat ont montré que seule la double néphrectomie supprimait la production du principe érythropoïétique lors d'une stimulation hypoxique (9).

 

A la même époque, nous avions été intrigués par l'observation de Richet au sujet de l'érythroblastopénie marquée dans l'anurie aiguë alors que certains urémiques chroniques qui ont des taux d'urée comparables pendant des temps prolongés ne présentent pas cette anomalie. Cette discordance entre le degré de "toxicité" et son influence sur l'érythropoïèse nous a conduit à supposer qu'il y avait peut être un autre facteur en jeu.

 

 
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